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A Djibouti, le francais tire la langue
"Depuis quinze ans, l'arabe prend de plus en plus d'importance. L'anglais, lui aussi, frappe à la porte. Un rééquilibrage culturel d'un côté, un virage commercial de l'autre. Et la fin d'une hégémonie...
Héritage de plus d'un siècle de présence française (entre 1862 et 1977), la francophonie ne sera-t-elle bientôt plus qu'un lointain souvenir à Djibouti ? Évidemment, non. Elle y possède encore de solides bastions, et parler de "déclin" serait exagéré. Mais le simple fait de poser la question témoigne d'une évolution de fond. L'arabe et avec lui l'anglais, qui tend à s'imposer comme la langue des affaires et du commerce international, ont acquis droit de cité, y compris dans les hautes sphères de l'État.
Du temps du président Hassan Gouled Aptidon (1977-1999), il eût été inconcevable qu'un membre du gouvernement puisse s'exprimer dans une langue autre que le français en Conseil des ministres. Aujourd'hui, sans être banale, la chose est admise et ne choque plus. Ismaïl Omar Guelleh, le successeur de Hassan Gouled, a choisi une approche plus pragmatique : celle de valoriser les compétences djiboutiennes, indépendamment de la langue d'usage.
Symboliquement, l'une des premières décisions du nouveau président, en 1999, a été de placer cadres arabophones et cadres francophones sur un pied d'égalité dans l'administration et d'aligner la rémunération des premiers sur celle des seconds, alors qu'elle était généralement inférieure de 30 à 50 %. Dans la foulée, un périodique gouvernemental en langue arabe, Al Qarn, a été créé.
Parrainé et soutenu par ses voisins yéménites et saoudiens, Djibouti avait officiellement adhéré à la Ligue arabe dès le 3 septembre 1977. Un choix dicté par une volonté de prosélytisme culturel, mais non exempt d'arrière-pensées géopolitiques : l'adhésion de la petite république visait à achever de transformer la mer Rouge en "lac arabe" et à accroître par conséquent l'isolement d'Israël.
Le pays élève alors logiquement l'arabe au rang de langue officielle, à l'instar du français. Son appartenance à la Ligue arabe et à l'Organisation de la conférence islamique (OCI) le rend éligible aux généreux subsides des pays du Golfe. L'enseignement de l'arabe est assuré par des coopérants tunisiens, en vertu de conventions signées entre les dirigeants des deux pays, Hassan Gouled et Habib Bourguiba partageant le même tropisme pro-occidental."
GRAPHIQUE:
http://archive.ethnologue.com/16/show_map.asp?name=ER&seq=10
VISUEL:
http://en.wikipedia.org/wiki/Languages_of_Djibouti (seulement l'image)